Point de vue

Focus sur le monde de la coiffure - partie 1

Focus sur le monde de la coiffure - partie 1

Les différents métiers du coiffeur et organisation artisanale

Avec plus de 85 000* entreprises et près de 180 000* actifs dont environ 110000* salariés, la coiffure représente le deuxième secteur de l’artisanat après le bâtiment à former des jeunes par la voie de l’apprentissage (17600* apprentis). Son rôle majeur dans l’économie française constitue un exemple représentatif pour étayer mon analyse sur l’artisanat en général et les difficultés qu’ils peuvent rencontrer en particulier.

Dans la conjoncture actuelle, le secteur de la coiffure fait aujourd’hui face à quatre grands paradoxes** :

- La demande de services aux ménages augmente, notamment celle liée à la beauté et au bien-être, alors que le chiffre d’affaires du secteur décline et l’emploi se contracte,

- Une classe aisée, voire très aisée, se développe dans les villes (notamment sur le segment des séniors), et représente la part du trafic le plus important dans les salons de coiffure, alors que les prix restent relativement bas en moyenne,

- La coiffure française s’exporte bien et connaît une grande renommée à l’international pour son savoir-faire : Dessange ou Franck Provost en tête, alors que le secteur génère peu de valeur ajoutée «perçue» auprès des consommateurs français,

- Enfin alors que la coiffure crée de l’emploi et forme une bonne partie des jeunes en apprentissage, le secteur est plutôt mal considéré par les pouvoirs publics.

En plus de jongler avec ces quatre paradoxes, les coiffeurs, comme tous les artisans doivent être capables de maitriser plusieurs métiers pour s’en sortir.

Les différents métiers du coiffeur

Le coiffeur ne se cantonne pas uniquement à « couper ou coiffer », il doit également maitriser d’autres compétences pour assurer la pérennité de son activité :

Le métier de commerçant : savoir accueillir et faire vivre une expérience, être un bon professionnel toujours à la pointe des tendances, développer sa clientèle avec de nouveaux services,

Le métier de gestionnaire : être capable d’analyser ses performances, de gérer sa trésorerie, d’avoir des services rentables,

Le métier de manager : gérer les ressources humaines : recruter, former et motiver un collaborateur, animer l’équipe et fixer des objectifs,

- Et aujourd’hui le métier de « digital-marketeur » : animer son point de vente, communiquer auprès de la clientèle, utiliser internet … Ce dernier axe est arrivé avec l’entrée du digital dans l’univers artisanal. De mon point de vue, ils doivent aujourd’hui être capables de faire du marketing de réseau et de pouvoir capter une partie de leur clientèle sur internet. Cela nécessite l’intégration d’un certain nombres de nouveaux savoir-faire qu’ils ne maitrisent malheureusement pas tous.

A travers mes expériences je n’ai jamais rencontré un artisan performer sur les quatre métiers. Mon rôle consiste alors à les accompagner sur leurs points perfectibles et les rendre plus autonomes.

Pour vous donner une illustration, regardons leur mode de fonctionnement et arrêtons-nous sur la structure organisationnelle de l’entreprise artisanale.

Organisation de l’entreprise artisanale

Le fonctionnement de l’entreprise artisanale propose généralement un seul niveau de hiérarchie : le patron et ses collaborateurs ou plutôt des exécutants. Le salaire est l’unique outil de motivation (souvent basé sur le SMIC, rappel : 1498,47€ brut au 1er janvier 2018).

La répartition des tâches est élémentaire et le management est souvent militaire : « tu te soumets ou tu pars… ». Par voie de conséquence, la délégation est bien souvent sous-développée chez l’artisan. Ce manque de confiance pour donner une tâche à quelqu’un peut s’expliquer de différentes manières : peur de perdre une partie de son pouvoir, mauvaise expérience avec un précédent employé, peur du travail mal fait…

J’ai noté dans mes coaching de dirigeants de salon de coiffure (prenez un premier rendez-vous de découverte pour évaluer vos besoins) que leur plus grande crainte est finalement de perdre en légitimité et donc en importance. Le coiffeur a la croyance que sa présence au fauteuil pour coiffer est l’unique moyen de conserver du pouvoir dans son salon pour justifier sa position par rapport à sa posture de chef d’entreprise.
En réalité l’absence de délégation est un frein au développement de ses collaborateurs. Prenant toutes les décisions et les initiatives, le dirigeant développe le syndrome de «l’infantilisme» chez ses employés qui finissent pas ne plus prendre aucune initiative.

Nous verrons que cette posture constamment tournée sur le contrôle génère du stress et la plupart du temps du surmenage. Je retrouve très souvent des dirigeants travaillant 7 jours sur 7 sans jamais ou rarement prendre du repos, oubliant au passage leur vie personnelle.

J’évoque ici alors la notion du burn-out bien réel dans l’univers artisanal et trop souvent passé sous silence…

Il est bien souvent trop tard quand leur entourage tente de les aider à entreprendre quelque chose.

Je vous propose dans la deuxième partie de mon article "focus sur le monde de la coiffure" de partager ensemble les trois phénomènes qui génèrent des difficultés  aux artisans coiffeurs.

Benjamin Salles

* sources : unec, chiffres du marché de la coiffure 2018
** sources : étude Asteres